On l’observe depuis quelques semaines aux Etats-Unis et même ici en France, un grand nombre des start-ups se créant sont des « blands ». Des blands ? Comprendre ici des marques vendant directement aux consommateurs, sans intermédiaire, et partageant plusieurs codes marketing bien précis.
Vous n’avez pas pu passer à côté de cette nouvelle vague de marques prônant le minimalisme, aussi bien dans leurs compositions produits que leur communication, adoptant un ton amical, plus direct, délaissant les couleurs flashys au profit de tons plus neutres, pour ne pas dire plus « fades ».
Vous commencez à voir ?

Les blands remplissent de plus en plus notre vie, à tel point qu’il est aujourd’hui possible d’être un véritable Homo Blandus en se réveillant sur son matelas Casper, bien enroulé dans sa couette Bonsoirs, avant d’avaler un Soylent en ouvrant Slack et regarder les premiers messages du jour…
Vous n’avez pas pu les éviter car nous sommes rentrés dans l’ère des blands, qui semblent être aujourd’hui le passage imposé des nouvelles marques !
Quels sont les critères composant les Blands ?
Si le monochrome est l’un des codes forts des blands, de nombreux autres critères sont partagés par toutes ces marques.
- Les Blands sont des entreprises D2C (direct-to-consumer)
- Les Blands sont des entreprises engagées, valorisant le plus souvent des valeurs éthiques / écologiques et les plaçant au centre de leur communication : Imperfect Foods s’attaque au gaspillage alimentaire et DNANudge s’est mis à fournir des tests rapides et sans laboratoires pour le COVID-19.
- Les Blands sont des entreprises « consumer-oriented », plaçant la relation client au cœur de leurs préoccupations.
- Les Blands sont des entreprises « révolutionnaires » : toutes viennent mettre fin à une situation de tension, à une ineptie ou injustice, elles viennent ramener de l’équilibre.
Deux exemples…
Hubble : « Aux États-Unis et au Canada, quatre fabricants contrôlent environ 95% du marché des lentilles de contact. Sans concurrence, ils ont fixé des prix beaucoup plus élevés qu’ils ne le devraient. »

Beltology : « Pendant trop longtemps, les ceintures ont été négligées, sous-aimées et mal fabriquées. Fini de les délaisser !
- Les Blands sont des outsiders. Et c’est un point important car c’est un élément déterminant dans leur personnalité : toute leur richesse vient de l’opposition, à un marché ou un géant établi. Alan s’est créé contre l’assurance maladie française trop complexe à comprendre, Harry’s contre les géants du rasage masculin, Solé contre les vélos random…
- Les Blands ont des histoires hors-du-commun. Toutes les bonnes histoires ne finissent pas par une bland mais toutes les blands débutent par une bonne histoire. Car les blands ont besoin d’un récit et de storytelling pour tenir debout. De vrais pirates du Marketing. Toutes racontent une histoire fascinante à l’origine de leur création, parlant de rencontres, de quêtes de sens ou une frustration / exaspération personnelle face à une situation : « Nous avons imaginé XX parce nous n’étions pas satisfaits des XX disponibles sur le marché. »
- Les Blands sont humbles. Avez-vous vu comme ces marques prônent la simplicité jusqu’à leur déclaration de foi ? Ces entreprises font les choses bien et simplement. Sans superflu. Ils s’engagent à faire bien une seule et unique chose, pour le faire « avec amour et passion ». C’est pour cette raison que la grande majorité de ces entreprises se lancent d’abord sur un produit unique.
- Les Blands sont discrètes. Pas de grands artifices marketing, ou tout du moins pas ceux qu’on a l’habitude de voir. Les blands s’efforcent d’avancer couvertes et discrètes, pour inspirer confiance et montrer que le produit est la seule source de leur réussite.
Les Blands partagent aussi entre elles quelques paradoxes et notamment cette dualité : si elles prétendent être uniques dans leur proposition et révolutionnaire dans leurs approches, toutes obéissent sagement à une formule (à succès) et modèle d’entreprise, en termes d’apparence, d’expérience client et de communication.
Comment créer sa Bland ?
Créer sa bland est une recette à l’équilibre très fragile, nécessitant de peser avec exigence humilité et précision marketing, fadeur et excentricité.
La recette commence par le nom de sa bland, qui est à choisir avec un soin extrême. Choisissez-le court avec une sonorité très « bland ». Vous pouvez opter pour un nom de personnage un peu générique (Alan, Maude, Billie) ou un peu désuet (Warby Parker), associer un objet et une couleur (Blue Apron, Black Milk Clothing, Green Chef), les initiales (DSTLD, TRNK), l’esperluette (Loom & Leaf, Tuft & Needle) ou bien la simplicité (Clutter, Slack, Caviar, Away).
L’univers graphique accompagnant votre nom de marque devra être simple, neutre, voire même « plat ». La palette est relativement simple et pastel, l’ambiance est à l’optimisme, la bienveillance.

Les bland sont relativement simples à lancer et se définissent d’ailleurs par cette vitesse d’exécution. Ce ne sont pas des entreprises ayant vocation à s’installer sur le long-terme. Ce sont des pop-up visant à acquérir très rapidement de nombreux client avant d’aller chercher une acquisition par un concurrent plus établi recherchant l’innovation (l’exemple de Postmates racheté par Uber) ou bien l’introduction en Bourse (comme celle de Casper).
Ce phénomène du « blitzscaling » inonde les marchés, les esprits des entrepreneurs ainsi que les têtes pensantes dans les groupes plus établis. Si les blands sont simples à lancer et donc l’occasion de lancer une activité dans une verticale bien précises, elles sont aussi l’occasion pour de grands groupes de diversifier leur activité et faire naître une start-up, leur permettant de gagner en agilité (l’exemple de Hum, la bland de brosse à dents connectée lancée par Colgate).

Vous voyez ? Personne ne résiste aux blands.