Si lâapparition de nouvelles plateformes et rĂ©seaux sociaux venus tout droit de la Silicon Valley est toujours source dâexcitation, de (sur)promesses ou parfois mĂȘme de moqueries, Clubhouse est certainement lâapplication stimulant le plus la crĂ©ativitĂ© des internautes depuis lâarrivĂ©e de TikTok.
Clubhouse est sur toutes les lĂšvres depuis quelques jours, agitant autant les agences que les rĂ©dactions, faisant frĂ©tiller tout le microcosme de lâentrepreneuriat français et mĂȘme la diplomatie mondiale.
Les entrepreneurs qui avaient loupĂ© le virage TikTok, trop millenials Ă leur goĂ»t, et celui de LinkedIn, devenu un journal intime de VRP en burn-out, ont le sentiment dâenfin avoir trouvĂ© leur plateforme dâexpression avec Clubhouse.
Ils se rĂ©unissent dans des rooms virtuelles, discutant pendant des heures dâempowerment, de scaling, de levĂ©es de fonds ou plus prosaĂŻquement de leurs marques de sneakers prĂ©fĂ©rĂ©es. Câest comme une pause Ă la machine Ă cafĂ© de Station F et Y Combinator qui sâĂ©terniserait et qui serait soudainement ouverte Ă tous, initiĂ©s ou non.
Chacun peut y participer et donner son avis, quâil sâagisse dâOprah Winfrey ou de Jean-Luc le DAF dâune start-up inconnue de la deeptech. Tout le monde peut partager son retour dâexpĂ©rience et par la mĂȘme occasion ringardiser simultanĂ©ment le format Live dâInstagram et le format podcast.
Clubhouse câest le meilleur des deux mondes, lâinstantanĂ©itĂ© mĂ©langĂ©e Ă lâaudio, câest le vocal devenu intelligent, le TedX en caleçon sur son canapĂ©.
Mais au milieu de tout ça, dans cette fabuleuse soirée de startuppeurs gazouillant librement comme aux plus belles heures de Twitter, les entreprises marques ont-elles une place et un rÎle à jouer sur Clubhouse ?
Clubhouse : comment on lâutilise ?
Avant de parler des opportunitĂ©s offertes par Clubhouse pour les marques, posons dâabord les bases de son utilisation qui reste, pour 99% de la population encore, totalement obscure.
Lâapplication nâest pas toute nouvelle puisquâelle a Ă©tĂ© lancĂ©e en Californie en mars 2020, par Paul Davison et Rohan Seth. Les premiers mois, le rĂ©seau a Ă©tĂ© essentiellement utilisĂ© par des gens de la Silicon Valley, des financiers, des investisseurs, des entrepreneurs et quelques journalistes.
Au fil des mois, les rĂ©seaux de ces profils ont permis dâattirer progressivement des personnalitĂ©s de plus en plus importantes, comme Elon Musk ou Drake et Meek Mill, venant parler de musique en live et en toute dĂ©contraction.
Câest CNBC qui dĂ©crivait le mieux lâapplication en disant dâelle :
« Câest une application oĂč vous pouvez vous faire un rĂ©seau comme dans une soirĂ©e tech Ă San Francisco et en mĂȘme temps avoir les mĂȘmes interactions que dans des barbershop dâAtlanta. »
Clubhouse est un rĂ©seau social ressemblant Ă un dĂźner VIP, oĂč on ne vient que sur invitation, pour prendre part Ă des conversations en live, que tout le monde peut suivre et oĂč tout le monde peut participer. Tout repose sur la voix. Pas de timeline, de posts, de Stories ou de hashtag. Pas mĂȘme de mots et commentaires. Tout se fait avec la voix, et le contenu disparaĂźt une fois prononcĂ©. On y trouve (plus ou moins facilement) des salles classĂ©es par thĂ©matiques (politique, growth hacking, musique, environnementâŠ) et chacune peut accueillir jusquâĂ 5000 personnes simultanĂ©ment.

Comble du snobisme, lâaccĂšs y est pour le moment uniquement possible que par le parrainage dâun utilisateur dĂ©jĂ inscrit et uniquement via iOs.

Le succÚs de Club House : FOMO + Simplicité + COVID
Cette exclusivitĂ© est la premiĂšre clĂ© du succĂšs de Clubhouse. Le fait que lâapplication ne soit accessible quâĂ quelques privilĂ©giĂ©s, de quoi faire monter trĂšs rapidement lâexcitation chez les early adopters, en quĂȘte de sensations nouvelles permanentes.
Ce principe de parrainage pour utilisateurs iOs uniquement nâa pas tardĂ© Ă rĂ©veiller Twitter et faire le tour des agences / pĂ©piniĂšres / accĂ©lĂ©rateurs du monde entier.
La seconde clĂ© du succĂšs de la plateforme provient de sa simplicitĂ© dâutilisation. Une fois passĂ©s les tĂątonnements du dĂ©but, la plateforme rĂ©vĂšle toute sa valeur. Clubhouse câest comme Breaking Bad et les plus grandes sĂ©ries : il faut savoir lui donner sa chance, ĂȘtre patient, avant de vraiment en comprendre le gĂ©nie.
Car une fois les bonnes personnes suivies, les notifications se multiplient et on ne sait plus oĂč donner de la tĂȘte comme sur la home page Netflix ou une soirĂ©e de Multiplex sur Canal+.
Quelle que soit lâheure, on peut trouver une room active – ça parle Miracle Morning Ă 5h du matin avec des centaines de personnes dĂ©jĂ actives, ou ça dĂ©bat encore sur des techniques de growth hacking Ă trois heures du matin. On sent la frĂ©nĂ©sie rare qui agite les enfants ayant reçu un nouveau jouet et qui le retournent dans tous les sens jusquâĂ le connaĂźtre par cĆur, quitte Ă sâen lasser.
La simplicitĂ© devient trĂšs vite addictive et on saute de room en room pour ne pas louper une miette des tĂ©moignages dâElon Musk, de Xavier Niel ou de Naomie Campbell. Tout le monde se prend au jeu, attisĂ© par cette hype soudaine. Les plus grands esprits de ce monde deviennent soudainement accessibles, comme si on les avait Ă lâautre bout du fil, sur un tĂ©lĂ©phone qui grĂ©sille, pendant que leurs enfants jouent dans la piĂšce dâĂ cĂŽtĂ©.
Clubhouse horizontalise le monde. Il nây a plus de de seul en scĂšne, de cours professoral et de TedX : ici Xavier Niel se retrouve au milieu de cent autres profils pour distiller ses conseils, sans diffĂ©rences de profils, avec les mĂȘmes droits et fonctionnalitĂ©s.
Et surtout, derniĂšre clĂ© du succĂšs, Clubhouse arrive au moment parfait. Ă un moment oĂč la vie sociale disparaĂźt passĂ© 18h en France. Ă un moment oĂč les soirĂ©es nâexistent plus et oĂč le networking se rĂ©sume Ă quelques DM Ă©changĂ©s sur Instagram ou LinkedIn. Clubhouse prend le relai des lives Instagram qui ont Ă©puisĂ© tout le monde durant le premier confinement et qui reste excluants pour tout ceux qui nâont pas envie de faire lâeffort de se montrer. Il prend aussi le relai des confĂ©rences ennuyeuses faites sur Zoom, qui nâexcitent personne si ce nâest ceux qui les organisent.
Clubhouse : quel intĂ©rĂȘt pour les marques ?
Avec leur dĂ©veloppement sur les rĂ©seaux sociaux, les marques ont toujours eu Ă cĆur dâĂȘtre plus « conversationnelles », dâutiliser ces rĂ©servoirs dâaudiences pour pouvoir enfin sâadresser avec des consommateurs ou potentiels clients.
AprÚs Messenger, Clubhouse devient la plateforme conversationnelle par excellence pour les marques, avec la possibilité de discuter en direct de sujets divers et variés.
La voix de lâentreprise peut ĂȘtre portĂ©e par ses dirigeants ou par des profils experts, selon le ton souhaitĂ© et le sujet abordĂ©.
Les opportunitĂ©s essentielles pour les marques peuvent ainsi ĂȘtre :
- Nourrir son positionnement de marque : Selon son univers et sa plateforme de marque, Clubhouse sera lâoccasion de discuter de sujets liĂ©s Ă la marque, selon que celle-ci soit positionnĂ©e sur la musique, les sports extrĂȘmes, le cinĂ©ma, ou autre. Une marque comme RedBull pourra ainsi dĂ©velopper des rooms autour des sports extrĂȘmes en invitant des sportifs et riders Ă y prendre part pour partager leurs expĂ©riences.
- Prolonger lâexpĂ©rience client : Clubhouse peut aussi ĂȘtre un lieu permettant aux marques de donner des conseils dâutilisation dâun produit et ainsi offrir un prolongement de lâexpĂ©rience client. Nespresso peut y proposer des rooms autour de la dĂ©gustation de ses cafĂ©s, inviter des chefs pour partager des idĂ©es de recettes ou dâaccords gourmands.
- Adopter une approche servicielle : Les rooms Clubhouse peuvent aussi devenir des sessions de questions-rĂ©ponses entre la marque et ses consommateurs, pour rĂ©pondre aux questions les plus populaires du moment. Câest aussi lâoccasion pour des dirigeants dây exposer la roadmap de lâentreprise, comme peuvent le faire rĂ©guliĂšrement les fondateurs de Clubhouse.
Quel avenir pour Clubhouse ?
Elon Musk invite Kanye West puis Poutine Ă discuter avec lui sur Clubhouse. Il est facilement imaginable que les prochaines grandes interviews se fassent en direct sur la plateforme, que la prochaine Ă©lection prĂ©sidentielle française se joue en partie dessus, que des dĂ©bats sây crĂ©ent et que la conversation sây libĂšre.
Que deviendra Club House une fois que la plateforme sâouvrira au grand public dans les prochaines semaines ? Une fois que les premiĂšres dĂ©rives arriveront, que la parole dĂ©rapera en live, que deviendra la plateforme ? Un espĂšce de Twitch audio ? Un Masterclass live ? La question de la monĂ©tisation se posera trĂšs rapidement, et est dĂ©jĂ dans la tĂȘte des crĂ©ateurs. Le « being cool » de Zuckerberg dans The Social Network face au pragmatisme dâEduardo. Des fonctionnalitĂ©s payantes, des rooms VIP ? Et comment affronter la concurrence de Twitter et Facebook qui dĂ©veloppent leurs propres Clubhouse, qui vont pulluler comme des variants?
Il est encore trop tĂŽt pour prĂ©dire la vĂ©ritable explosion de la plateforme, les rĂ©dactions commencent Ă peine Ă se saisir du sujet, et la plateforme commence Ă arriver sur le bureau des artistes et prĂ©sentateurs. Toujours est-il que les audiences commencent Ă sây dĂ©velopper, que les rooms deviennent de plus en plus suivies et populaires et il devient frĂ©quent dây voir au moins 500 personnes prĂ©sentes. La plateforme est assurĂ©ment une source dâopportunitĂ©s pour les entrepreneurs, et trĂšs certainement aussi pour la communication de leurs entreprises.
Quand la plateforme commencera Ă devenir mainstream, on pourra alors se demander si Clubhouse Ă©tait le phĂ©nomĂšne que tout le monde dĂ©crit aujourdâhui. En attendant, je dois arrĂȘter lâĂ©criture de cet article, jâai une room qui dĂ©bute dans 5 minutes pour souhaiter la bienvenue Ă Naomie Campbell sur Clubhouse. What a time to be alive!

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