Les marques doivent devenir Instagram-friendly

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Il n’y a pas photo, aucun réseau social n’a autant pesé sur la conception des produits qu’Instagram, jusqu’à créer un impératif de devenir Instagram-friendly (ou mourir).

Depuis des années, mon fil d’actualité Instagram se compose de périodes de deux ou trois semaines durant lesquelles je vois revenir chaque jour, des photos quasiment identiques du même endroit.

Il y a eu la phase Mama Shelter et ses masques de super-héros laissés dans les chambres…

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I

La phase vitrine éclairée de la pizzeria Popolare

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La moitié des photos postées sur Instagram montrent la vitrine et ses bouteilles.

Le carrelage de Media Nostre

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Autant de “périodes” qui ont crée du bruit, des discussions, de l’émulation autour d’un lieu, qu’on découvre ainsi plus pour son design que pour son offre.

Come for the design, stay for the product.

Popolare aurait pu vendre des lavabos, j’aurai tout de même voulu y aller pour prendre la photo imposée de sa vitrine de bouteilles, parfaitement instagrammable, accompagnée des hashtags adéquats. Deal parfait : une bonne margarita mangée + un taux d’engagement en hausse pour seulement 5€.

Si je devais résumer ce bouleversement dans notre rapport avec les marques et les lieux en une phrase, ce serait : “Come for the design, stay for the product”. Instagram nous fait désormais entrer dans les marques par leur design et c’est une fois le produit testé qu’on reste et revient pour ce qu’il est et sa qualité.

“We wanted people to really feel that they had that openness, and that lightness, that we’re all living in. We had thoughts of, this will be a great Instagram moment.” — Ana Henton, Designer.

Les consommateurs ont repris le pouvoir : ce sont eux qui imposent les standards de beauté aux marques.

Jamais l’apparence n’a autant compté. Ceux qui prétendent que “ce n’est pas la beauté physique qui compte” ne connaissent vraisemblablement pas Instagram.

L’ordre s’inverse enfin : après avoir imposé durant des années des standards de beauté à la population, c’est à présent la population qui impose aux marques des codes d’apparence. Sois Instagrammable et tais-toi.

Les médias eux-même ont flairé la bonne affaire et adapté leur angle éditorial. Pourquoi simplement parler de l’assiette quand les les gens ont le nez rivé ailleurs, vers le plafond, le comptoir, le détail qui fera le cliché parfait ?

Les néons des restaurants comptent à présent autant que l’assaisonnement de ses plats, si ce n’est voire plus : une cuisson parfaite ne récoltera jamais autant de likes qu’une décoration scandinave.

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Extrait de l’article de Konbini sur la pizzeria Dalmata, à Paris.

Les médias eux-même vendent des lieux plus que des établissement. Des lieux sur-esthétisés, de bon repères satisfaisant autant les estomacs que les envies de likes.

De user-friendly à Instagram-friendly

Certaines marques ont flairé l’opportunité et se sont mises à adapter leur conception, que ce soit de produits, de lieux ou d’évènements, pour être “Instagram-friendly”.

Design épuré, aplats de couleurs, plantes vertes, marbre, quotes inspirantes signées à la main sur le mur, autant de codes qu’on peut retrouver aussi bien dans les restaurants, les commerces de proximité et même le petit café du quartier, qui n’a jamais été aussi adepte des filtres.

Pour devenir Instagram-friendly, les marques vont jusqu’à changer la composition de leurs produits pour le rendre photogénique : amélioration de la texture, de la lumière et la couleur, ajout de paillettes ou d’effet moussant.

“C’est une tendance énorme — nous en parlons tous les jours et ça influence forcément la composition de nos produits. Les marques investissent des millions pour rendre leurs produits adaptés aux réseaux sociaux ” — Rinat Aruh (PDG d’Aruliden)

De manière à rendre le moment totalement Instagrammable, les restaurants vont jusqu’à modifier la luminosité de l’endroit, à l’image du restaurant Bellota à San Francisco, permettant à chaque client de régler la luminosité de sa table pour faire les photos parfaites.

We literraly think about framing our photographs, and how we can capture the essence of our experience within the square frame of Instagram Specifically.”- Bellota.

L’exemple Glossier — une marque Instagram-friendly

Née sur Internet (blog avant de devenir marque de cosmétiques), Glossier a rapidement compris les nouveaux codes et rendus ses produits suffisamment photogéniques pour qu’ils inondent les réseaux sociaux, jusqu’à en devenir une marque totalement Instagram-friendly (voire même Instagram-centric).

Cette intégration des codes débute par la boîte, présentant une jolie phrase aspirationnelle comme on en trouve au détour de Tumblr ou Pinterest, et une planche de stickers amusants.

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Surfant sur la tendance de l’unboxing, la marque propose le produit parfait pour que les consommatrices américaines se plaisent à le prendre en photos.

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On ouvre sa boîte Glossier comme on ouvre son application Instagram : tout y est très rose, pop et épuré.


Jusqu’où ira cette intégration d’Instagram dans les réflexions produits et cet impératif d’être Instagram-friendly ? Est-ce que demain, les pompes funèbres proposeront des cercueils pailletés pour favoriser les partages autour de l’évènement ? Une chose est sûre : un produit ou un lieu qui ne serait pas Instagrammable aujourd’hui est voué à vivre par le bouche-à-oreilles, vous savez, ce truc de grands-mères, qui est devenu le tag sur Instagram : “Regarde bb ! 😍 On y va quand pour manger ?? #InstagramFriendly

1 commentaire pour “Les marques doivent devenir Instagram-friendly”

  1. Retour de ping : B@tir un empire : et si un @ suffisait pour monter une entreprise à succès ?

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